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Tourmens que les ames damnées
Trouveroient pires aux enfers,
Ny que leurs feux, ny que leurs fers.
Voyez un peu que c’est du monde,
Et combien est fat qui s’y fonde !
Je me souviens qu’au temps passé
Des plus grands j’estois caressé ;
Ils me tenoient pour habile homme.
Peu s’en faut que je ne les nomme,
Pour montrer qu’ils ne sçavent rien ;
Mais nul ne m’orroit, aussi bien.
S’il se faisoit galanterie,
Course, carrouzel, mommerie,
Combat de barriere, ballet ;
S’il falloit chanson ou poulet,
J’estois leur mon-cœur, leur mon-maistre ;
Leur ame m’ouvroit la fenestre
Pour m’exhiber tous ses secrets,
Tous ses plaisirs, tous ses regrets,
C’est-à-dire mille sottises.
Je leur fournissois de devises,
De beaux couplets, de hauts discours ;
Enfin j’estois tout leur recours.
Ô faux galands ! ô hapelourdes !
Que vous avez les testes lourdes,
Quoy qu’elles soient creuses pourtant,
Et que l’air soit moins inconstant !
Quand on vous montre ou vers ou prose,
Feignans d’y sçavoir quelque chose,
Vous sousriez et faites : hon,
Mais à contre-temps, c’est le bon.
Si l’amour à soy vous attire,
Vous demandez une satyre
À la louange des beaux yeux,
Qui sont vos soleils et vos dieux.