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Le Melon.

Les preneurs de petun auront de belles dents,
Les femmes des badauts ne seront plus cocquettes,
Les corps pleins de santé se plairont aux clicquettes[1],
Les amoureux transis ne seront plus jalous,
Les paisibles bourgeois hanteront les filous,
Les meilleurs cabarets deviendront soliteres,
Les chantres du Pont-Neuf diront de hauts mysteres,
Les pauvres Quinze-Vingts vaudront trois cens argus,
Les esprits doux du temps paroistront fort aigus,
Maillet fera des vers aussi bien que Malherbe,
Je hayeray Faret, qui se rendra superbe,
Pour amasser des biens avare je seray,
Pour devenir plus grand mon cœur j’abesseray,
Bref, ô melon succrin, pour t’accabler de gloire,
Des faveurs de Margot je perdray la memoire
Avant que je t’oublie et que ton goust charmant
Soit biffé des cahiers du bon gros Saint-Amant.


  1. Se plairont à entendre le son des cliquettes ou crecelles avec lesquelles les lépreux avertissoient de fuir leur approche.