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Marigny-Mallenoë à qui il dédia sa Chambre du Débauché.

D’autres pièces de moindre importance ne trahissent pas moins son penchant à mener joyeuse vie, et aussi, avec une certaine philosophie, sa tendance à jeter sur l’avenir un regard aventureux et inquiet : nous voulons parler de ses sonnets, de ces charmants petits poèmes que son siècle prisoit si fort.

Le sonnet, une des plus belles fleurs du parterre des Muses, dit Colletet, vit sa culture encouragée par les gratifications annuelles accordées par les villes de Caen et de Rouen aux auteurs qui s’y étoient signalés. Saint- Amant étoit de cette dernière ville. Son insouciance, la crainte d’être vaincu par d’illustres compatriotes dans cette lice poétique, l’empêchèrent-elles de se présenter au concours ? Je ne sache pas qu’aucun de ses sonnets y ait été destiné.

Le premier de tous, comme la plupart des sonnets contemporains, n’est qu’un madrigal. Dans le second, il dit, en parlant de sa maltresse, ces deux vers gracieux :

Son visage est plus frais qu’une rose au matin,
Quand, au chant des oiseaux, son odeur se réveille.

Pourquoi faut-il qu’au vers suivant la rime appelle le nom de la bergère Catin ? — Le goût inflexible de Boileau ne permettoit pas de changer ainsi,

……Sans respect de l’oreille et du son,
Lycidas en Pierrot et Philis en Toinon ;

et s’il appelait les enfants de Racine, son illustre ami, Babet, Fauchon, Madelon et Nanette, comme leur père lui-même, ce n’étoit pas dans ses vers.

Mais la fraîcheur du joli passage que nous citions doit disposer à l’indulgence. Les vers qui suivent, tirés du Soleil levant, n’ont pas moins de grâce légère et facile :

L’abeille, pour boire des pleurs,
Sort de sa ruche aimée,
Et va succer l’âme des fleurs
Dont la plaine est semée.