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Sur une immortelle verdure,
Malgré la barbare froidure
Au visage morne et glacé,
Y tienne à jamais enlacé
Entre ses bras plus blancs qu’albastre
Le gay Printemps, qui l’idolastre !
Que, comme autrefois, Apollon
Delaisse torche et violon,
Et s’en vienne dans ces prairies,
Dans ces grandes plaines fleuries,
Garder, en guise de vacher,
Un troupeau qui nous est si cher,
Et dont la mamelle feconde
Fournit de laict à tout le monde.
Mais je veux l’encharger aussi
Qu’il en prenne plus de soucy,
S’il faut qu’un jour il s’y remette,
Qu’il ne fit de celuy d’Admette,
Lors que le patron des mattois,
Portant cinq crocs au lieu de doits
Qui faisoient le saut de la carpe,
Joua sur ses bœufs de la harpe,
Et le laissa sous un ormeau
Fluster son soul d’un chalumeau,
Que jadis l’amoureux martyre
Fit entonner au grand satyre.
On dit que, quand il fut duppé
Il estait si fort occuppé
Dans une douce reverie,
Qu’il n’en vit point la tromperie
Chose estrange ! à mon jugement,
De convaincre d’aveuglement
Celuy dont la vertu premiere
Ne consiste qu’en la lumiere !
Tout beau, Muse, tu vas trop haut,