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les sujets graves, qu’un voile uniforme, à travers lequel il faut deviner la beauté. L’écrivain peut imprimer son cachet è ses idées, rarement à son style monotone.

L’ode sur la Solitude fut composée à Belle-Isle, dans cette grotte peut-être qui, plus d’un siècle après, portait encore le nom de grotte de Saint-Amant, et où il se retiroit, dit M. Roger dans une lettre adressée à Desforges-Maillard, « quand il étoit malade à force d’avoir bu. » Dans la même lettre se trouvent, sur le séjour de Saint-Amant à Belle-Isle, quelques particularités curieuses dont l’authenticité paroît certaine. L’auteur, commissaire de la marine à Belle-Isle, avoit dans sa famille de vieux parents auxquels un de ses ancêtres, sénéchal de l’île ami intime de Saint-Amant, avoit transmis ces détails.

« Saint-Amant, dit M. Roger, vint à Belle-Isle, non pas seul, mais à la suite du duc de Retz, comme de sa maison, en qualité de bel-esprit… Ce poète y demeura bien des années. Il y composa une grande partie de ses ouvrages, et surtout sa Solitude, qui est le meilleur de tous. Son sonnet qui commence par ce vers : Assis sur un fagot, une pipe à la main, fut fût chez un cabaretier du bourg de Sauzon nommé La Plante, dont la postérité existe encore.

« Saint-Amant étoit un débauché. La nature seule l’avoit fait poète. Le vin lui donnoit de l’enthousiasme. » — Aussi, le vin, c’est le vin seul qu’il célèbre. Ne cherchez pas dans ses vers le nom des liqueurs à la mode, du populo, de l’hypocras ou du ratafia : il n’en dit mot, et il oublie même le rossoly. — Mais je reprends ma citation.

« Souvent le maréchal de Belle-Isle et lui montoient sur une vieille crédence où ils avoient une petite table chargée de bouteilles de vin. Là, chacun étant sur sa chaise, ils y faisoient des séances de vingt-quatre heures.

« Le duc de Retz les venoit voir de temps en temps dans cette attitude. Quelquefois la table, les pots, les verres, les chaises, les buveurs, tout dégringoloit du haut en bas. »