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Des plaisirs qu’on gouste à Paris
Sans nul soucy des favoris ?
Si j’en avois la moindre doute
Je veux bien que Maillet[1] me quitte.

  1. Marc de Maillet fut, au XVIIe siècle, la personnification du poète pauvre et orgueilleux. Saint-Amant l’a eu en vue dans son Poète crotté. Maynard a lancé contre lui des traits nombreux. Voici sur ce personnage, peu connu, quelques détails empruntés a la vie de ce poète, écrite par Fr. Colletet à la suite de l’œuvre de son père Guillaume Colletet. Maillet « ne pouvoit souffrir qu’on louat en sa présence un autre poète que luy », ni qu’on censurât ses ouvrages. « Aussy traita-t-il un jour avec beaucoup d’aigreur Vital d’Audiguier, bel esprit de son temps, qui avoit trouvé quelque chose a dire dans une certaine ode qu’il avoit présentée a la royne Marguerite sur le sujet de l’éloquence de cette illustre princesse : car, après l’avoir cent fois appelé en prose un sot versificateur, il le noircit encore de ce sonnet injurieux, qui fut veu de toute la cour :

    Excrement du Parnasse, erreur de la nature…
    Hibou, pour ton foible œil je luis trop vivement :
    L’excez de ma lumière est ton aveuglement.
    Oy donc la verité, qui contre toi despite…
    Apprend que Maillet parle ainsy qu’on parle aux cieux,
    Et que, s’il ne parloit le langage des dieux,
    Il ne pourrait parler de cette Marguerite.

    Ce sonnet a trouvé place dans le Cabinet des vers satyriques de ce temps (Paris, 1618, p. 437-458), et à la suite vient la réponse suivante, sans doute de d’Audiguier. Qu’on juge de l’urbanité de ces messieurs :

    Je ne suis point excrement ;
    Mais vous estes une beste
    Qui n’avez dedans la teste
    Cervelle ny jugement.
    Ou bien je suis seulement
    Exerement pour vostre bouche…
    Ce seroit morceau pour vous
    Si je l’estois d’aventure,