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LE BEL ŒIL MALADE[1].


Quand je voy ce bel œil tout en feu comme il est,
Où parmy les douleurs le roy des cœurs se plaist
De faire sa demeure,
Je croy que l’univers est à son dernier jour,
Que le ciel se consume, et qu’il faut que je meure,
Puis que je voy perir l’objet de mon amour.

En un tel accident je ne m’estonne pas
De voir dans ce bel œil ce demon plein d’appas :
Rire encore en mon ame :
Car, considerant bien sa nature et son jeu,
Ce n’est pas un prodige en luy, qui n’est que flame,
Qu’il puisse ainsi durer au milieu de ce feu.

J’auroy peur toutesfois qu’en ce sujet de dueil,
Mon portrait en petit tiré dans ce bel œil
Ne fust reduit en cendre ;

  1. On trouve dans les œuvres de Malleville des stances sur des yeux malades. — L’abbé Testu, dans les Muses illustres (Paris, Chamboudry, 1658), a fait des stances sur le même sujet. — Le chevalier de Cailly (d’Aceilly), sous le titre de les Beaux yeux malades, dit à Mme de Nérancy :

    La justice du Ciel n’en pas trop inhumaine
    En affligant vos yeux, aimable Nerancy :
    Ils souffrent bien de la peine ;
    Ils en ont bien fait aussi.