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Tombant sur ces fueillages verds !
Et que je charmerois l’oreille,
Si cette douceur nompareille
Se pouvoit trouver en mes vers !

Çà ! que l’on m’apporte une coupe,
Du vin frais : il en est saison.
Puis que Cerès boit à la troupe,
Il faut bien luy faire raison ;
Mais non pas avec ce breuvage
De qui le goust fade et sauvage
Ne sçauroit plaire qu’aux sablons
Ou qu’à quelque jeune pucelle
Qui ne bust que de l’eau comme elle,
Afin d’avoir les cheveux blons.

Regarde à l’abry de ces saules
Un pelerin qui se tapit :
Le degoust perce ses espaules,
Mais il n’en a point de dépit.
Contemple un peu dans cette allée
Thibaut, à la mine haslée,
Marcher froidement par compas :
Le bonhomme sent telle joye,
Qu’encore que cette eau le noye,
Si ne s’en ostera-t-il pas.

Voy de là dans cette campagne
Ces vignerons, tous transportez,
Sauter comme genets d’Espagne,
Se demenans de tous costez ;
Entens d’icy tes domestiques
Entrecouper leurs chants rustiques
D’un frequent battement de mains ;
Tous les cœurs s’en espanouissent,
Et les bestes s’en resjouyssent
Aussi bien comme les humains.