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sa famille, au milieu des tracas de sa vie si agitée, ne put veiller sur l’enfance de son fils. Livré à lui-même, Saint-Amant préluda de bonne heure à sa vie de débauché. La liberté, qu’il subit avant d’eu pouvoir goûter le charme, fut plus d’une fois sur le point de lui être funeste. À trois reprises différentes, il faillit perdre la vie dans la Seine, et la première fois, en 1607, quand il avoit à peine quatorze ans. Lui-même nous retrace ces souvenirs de son enfance dans le dernier recueil de ses poésies.

Son éducation se ressentit de l’abandon où il vécut, et la même cause explique ses goûts aventureux, son penobant à mener joyeuse vie et son ignorance des langues anciennes.

Comme Homère, Saint-Amant n’apprit, dit-il, que la langue de sa nourrice. Plus tard, ses liaisons avec nombre d’honnestes gens et de littérateurs, ses voyages en Europe, en Afrique et jusqu’en Amérique, ses lectures, enfin, dans des traductions d’auteurs grecs et latins et dans nos vieux auteurs, Marot, Rabelais, du Bartas, qu’il cite parfois, lui donnèrent un savoir réel, qui seconda son inclination pour la poésie. On eu trouve des preuves frappantes dans sa lettre inédite à M. Bochart.

« Quoyqu’il ne sût ni grec ni latin, dit Urbain Chevreau, l’auteur de l’Escolle du Sage, il entendent l’anglois, l’espagnol, l’italien, le caractère des passions, l’usage du monde, et fort bien la fable. »

À tous ces talents de Saint-Amant, ajoutez son habileté à jouer du luth et à réciter ses vers. Lui même dit, dans le Contemplateur :

La sainte harpe de David
Preste à mon luth son harmonie ;

et, comme pour prouver que c’est du luth du musicien, et non de celui du poète, qu’il veut parler, il écrit ces beaux vers des Visions.

Si, pour me retirer de ces creuses pensées,
Autour de mon cerveau pesamment amassées,
Je m’exerce parfois à trouver sur mon luth
Quelque chant qui m’apporte un espoir de salut,