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Eust ainsi decouvert en cette solitude
Celle à qui ses douleurs demandaient du secours,
En courant apres elle il lui tint ce discours :

As-tu donc resolu, Sylvie,
De fermer l’oreille à mes cris
Et les yeux à mes doux escrits,
Qui parlent si bien de ta vie ?
As-tu fait avecques mon sort
Que mon avanture soit telle,
Pour t’avoir rendue immortelle,
Qu’il faille me donner la mort ?

Mon triste cœur, qui se lamente,
Conte que le monde et le temps
Sont presque envieillis de sept ans
Depuis que l’amour me tourmente.
Crois-tu que ce peu de vigueur
Qui paroit en ma resistance
Me puisse fournir de constance
Contre une eternelle rigueur ?

Te verray-je tousjours farouche
Errer dans ce bois ecarte,
Que ton insensibilité
Pourroit accroistre d’une souche ?
Helas ! je ne puis plus courir,
Tant la douleur me rend debile ;
Insensible, sois immobile
Seulement pour me voir mourir.

Au moins declare-moy, de grace,
Qui te meine en ces sombres lieux,
Où le ciel avec tous ses yeux
Ne sçauroit voir ce qui s’y passe.
Est-ce pour cacher la splendeur
Des astres de ton beau visage,
Ou ne cherches-tu de l’ombrage
Que pour conserver ta froideur ?