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Du péril où je la voy,
Car le Ciel m’est trop severe
Pour penser qu’en ma misère
On daigne avoir soin de moy.

Là, les sanglots et les larmes
Interrompent ce discours,
Et sa voix, pleine de charmes,
En reprend ainsi le cours :
Ne croyez pas que ces chaisnes
Me facent souffrir les gesnes
D’un supplice merité ;
L’innocence vous oblige,
En la peine qui m’afflige,
D’en ouyr la verité.

La reyne d’Étiopie,
Que ma mere, à mon malheur,
Je dois nommer, quoy qu’impie,
Est cause de ma douleur ;
Sa vanité fut bien telle
D’oser se dire plus belle
Que les Nymphes de la mer,
Qui, pour venger cet outrage,
Monstrent bien que leur courage.
Comme leurs flots, est amer.

Ces deïtez courroucées,
Portans le ressentiment
De leurs beautez offencées
Au delà du chastiment,
Ont voulu qu’un monstre enorme,
Un poisson d’horrible forme,
Vint affliger ce pays,
Et que mesme sur la terre
Sa cruauté fist la guerre
À nos peuples esbahis.