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VOLTAIRE À LA COUR DE PRUSSE.

s’en dégoûta vite quand les premiers enchantements du début furent passés, et il mit une certaine négligence à revoir les écrits du roi.

Passe encore à la rigueur pour la prose ou la poésie royale ; mais les amis, les généraux de Frédéric, venaient aussi demander à l’auteur de la Henriade de corriger leurs mémoires. C’est à une prière de ce genre faite par le général Manstein, que Voltaire répondit dans un moment de mauvaise humeur : « J’ai le linge sale de votre roi à blanchir, il faut que le vôtre attende. »

La science n’intervient point directement dans les rapports de Frédéric et de Voltaire, et, sans les incidents qui marquèrent leur séparation, nous aurions pu nous abstenir de parler du séjour à Potsdam. Le roi n’avait pas le goût des sciences, et ne s’en occupait pas par lui-même.

Il avait pourtant parlé de physique autrefois, à l’époque où la physique faisait fureur à Cirey. C’était le temps où il n’était encore que prince royal et où il témoignait pour les châtelains de Cirey une admiration sans bornes. Il ne put donc pas rester insensible à leurs travaux sur Newton ; il lut les Éléments dans sa résidence de Remusberg, il s’initia à l’attraction, et fit même à certains moments ses objections aux physiciens de Cirey.

Un jour, par exemple, il demande des explications sur le vide qui, selon Newton, constitue les espaces célestes. Newton a dit que les rayons du soleil sont de la matière, et qu’il faut que l’espace soit vide pour que ces rayons parviennent dans un temps si court. Frédéric fait remarquer que, si les rayons sont matériels, ils doivent occuper tout l’espace. « Tout cet intervalle se trouve donc rempli de cette matière lumineuse, et