Prusse : « Madame du Châtelet n’accouche encore que de problèmes. » — À M. d’Argenson : « Madame du Châtelet est plus grosse que jamais ; elle a plus de peine à faire un enfant qu’un livre. »
Elle accoucha enfin le 4 septembre, dans des conditions de vigueur et de santé dont Voltaire rendait compte à ses amis avec sa gaieté habituelle. « Mon cher abbé Greluchon, écrivait-il le jour même à l’abbé de Voisenon, saura que madame du Châtelet, étant cette nuit à son secrétaire, selon sa louable coutume, a dit : Mais je sens quelque chose ! Ce quelque chose était une petite fille, qui est venue au monde sur-le-champ. On l’a mise sur un gros livre de géométrie, qui se trouvait là tout ouvert, et la mère est allée se coucher… Pour moi, qui ai accouché d’une tragédie de Catilina, je suis cent fois plus fatigué qu’elle. »
Quelques jours à peine écoulés, l’abbé recevait une lettre de douleur et de lamentation. « Mon cher abbé, mon cher ami, que vous avais-je écrit ! Quelle joie malheureuse, quelle suite funeste ! Quelle complication de malheurs qui rendraient encore mon état plus affreux, s’il pouvait l’être ! Je viendrai bientôt verser dans votre sein des larmes qui ne tariront jamais. » L’événement que Voltaire avait d’abord pris si gaiement avait eu soudain une issue funeste. Une imprudence de l’accouchée, une boisson glacée prise dans l’ardeur de la fièvre, détermina une crise mortelle, et six jours après sa délivrance madame du Châtelet expirait subitement au milieu de ses amis consternés.
La douleur de Voltaire fut vive et emportée ; il versa des larmes amères sur cette amie de quinze ans pour qui, malgré son infidélité dernière, il avait conservé un profond attachement ; le commerce d’amitié qui avait survécu à cette épreuve