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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

Dès lors la liaison avec Saint-Lambert fut acceptée, et Voltaire n’en continua pas moins de vivre à Cirey ou à la cour de Lorraine, auprès de l’amie qui avait pris une si grande part dans les habitudes de son esprit.

Mais voici qu’à quelque temps de là il se produit un émoi secret à Cirey. Madame du Châtelet mande Saint-Lambert, alors absent ; elle appelle Voltaire ; elle tient conseil avec eux. De quoi s’agit-il ? Pourquoi ce mystérieux conciliabule ? C’est qu’elle était enceinte et qu’il fallait savoir sous quelle rubrique on mettrait l’enfant.

Dans cette consultation cynique, Voltaire, il faut l’avouer, jouait un rôle essentiellement bizarre ; il était le premier à le sentir et il en riait. « Mettez l’enfant, disait-il, parmi les œuvres mêlées de madame. »

On décida enfin qu’on ferait venir M. du Châtelet à Cirey, pour se couvrir de son pavillon. Le brave marquis, mandé auprès de sa femme, reçu à bras ouverts par les trois complices, cajolé à qui mieux mieux dans des scènes de haute comédie, resta le temps nécessaire pour assumer la paternité qu’on lui avait faite.

Tout alla bien d’abord. La marquise, pendant sa grossesse, continuait ses habitudes de travail entremêlé de divertissements mondains. À l’approche de l’hiver de 1749, les châtelains de Cirey s’étaient rendus à Lunéville, où l’on menait joyeuse vie. « Madame du Châtelet, écrivait Voltaire, joue la comédie et travaille à Newton sur le point d’accoucher. » Il envoyait à ses nombreux correspondants le bulletin de cette grossesse. À madame d’Argental il écrivait : « La marquise, qui vous fait des compliments, compte accoucher ici d’un garçon, et moi d’une tragédie (il travaillait à Catilina ou Rome sauvée) ; je crois que son enfant se portera mieux que le mien. » — Au roi de