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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

qu’un assemblage de monades. Était-il bien facile de comprendre comment un composé n’a rien de semblable à ce qui le compose ? Leibniz se comprenait-il lui-même quand il produisait ce système ? Ce qui est certain, c’est que ni les Anglais, ni Voltaire, ne le prirent au sérieux.

Newton, sans prétendre à connaître l’essence de la matière, prenait pour base de ses calculs l’existence d’atomes à peu près semblables à ceux qu’admettent les chimistes de nos jours. Il s’en tenait à la conception des quatre éléments, — air, eau, terre et feu, — qui était celle de la physique de l’époque ; mais il inclinait pourtant à penser qu’il y a une matière unique, uniforme, qui, par des arrangements divers, produit tous les corps.

Cette vue le conduisait à admettre la transmutabilité des éléments. Une expérience autrefois célèbre et due à l’illustre Robert Boyle, le fondateur de la physique en Angleterre, avait beaucoup contribué à confirmer Newton dans cette dernière pensée. En chauffant de l’eau distillée dans un vase de verre hermétiquement clos, Boyle finissait par trouver une poudre fine qu’il regardait comme de l’eau changée en terre. Newton avait pu vérifier cette expérience ; il en tirait cette conclusion que les divers éléments pouvaient se changer les uns dans les autres, et que ce qu’il constatait ou croyait constater sur deux d’entre eux arriverait à se vérifier d’une façon générale.

Voltaire, ennemi des hypothèses, se prononce énergiquement contre la conception newtonienne.

Il commence par arguer des progrès de la chimie qui retirent à Newton le bénéfice de l’expérience sur laquelle il s’appuyait. Boerhaave, célèbre médecin et chimiste, est venu prouver que le résidu trouvé au fond du vase provenait, pour la plus grande partie au moins, de la substance même du verre décomposé