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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

nien, encore peu répandu en France, allait faire une campagne victorieuse contre le cartésianisme et en triompher avec éclat. « Un Français qui arrive à Londres, dit la lettre XIVe, trouve les choses bien changées en philosophie comme dans tout le reste. Il a laissé le monde plein, il le trouve vide. À Paris, on voit l’univers composé de tourbillons de matière subtile ; à Londres, on ne voit rien de cela. Chez nous, c’est la pression de la lune qui cause le flux de la mer ; chez les Anglais, c’est la mer qui gravite vers la lune… Chez vos cartésiens, tout se fait par une impulsion qu’on ne comprend guère ; chez M. Newton, c’est par une attraction dont on ne connaît pas mieux la cause. À Paris, vous vous figurez la terre faite comme une boule ; à Londres, elle est aplatie des deux côtés. La lumière pour un cartésien existe dans l’air ; pour un newtonien, elle vient du soleil en six minutes et demie… Voilà de sérieuses contrariétés. » Voltaire ne se pique pas d’ailleurs d’être entré fort avant dans les vérités nouvelles qu’il veut faire connaître au public français. Comme il est encore fort novice dans les sciences[1], il se borne à énoncer les résultats généraux, les faits qu’il a pu comprendre. Il y met une grande modestie. « Je vais vous exposer, dit-il, si je puis sans verbiage, le peu que j’ai pu attraper de toutes ces sublimes idées. » Sa seule ambition est d’être clair « comme les petits ruisseaux, qui sont

  1. Les Lettres sur les Anglais restèrent plusieurs années entre les mains de Voltaire qui les remaniait et les augmentait. Elles ne furent publiées en France, comme nous le disions tout à l’heure, qu’en 1733. Or, à la fin de 1732, leur auteur n’avait pas encore d’opinion arrêtée sur l’attraction. Le 30 octobre 1732, il écrit à Maupertuis en lui communiquant un petit mémoire : « J’ai recours à vous, dans mes doutes, bien fâché de ne pouvoir jouir du plaisir de vous consulter de vive voix. Il s’agit du grand principe de l’attraction de M. Newton. Je vous supplie très-instamment de vouloir bien employer un moment de votre temps à m’éclairer. J’attends votre réponse