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VOLTAIRE ET BUFFON SE RAPPROCHENT.

des coquilles, ce sont, dit-il, les pèlerins de Syrie qui ont rapporté dans le temps des croisades celles des mers du Levant qu’on trouve actuellement pétrifiées en France, en Italie et dans les autres États de la chrétienté. Pourquoi n’a-t-il pas ajouté que ce sont les singes qui ont transporté les coquilles au sommet des hautes montagnes et dans tous les lieux où les hommes ne peuvent habiter ? Cela n’eût rien gâté et eût rendu son explication encore plus vraisemblable. »

Si Buffon supportait mal la raillerie, on sait que Voltaire était encore moins endurant. L’historien de la nature et l’ermite de Ferney restèrent longtemps animés de sentiments fort vifs l’un contre l’autre. Voltaire renouvelait à chaque instant ses attaques contre la géologie nouvelle ; il la criblait, en toute occasion et sous le moindre prétexte, de traits peu mesurés. Buffon ne dissimulait pas sa mauvaise humeur ; il s’en expliquait vertement et à tout propos. Lisait-on aux séances de l’Académie française quelque nouvel ouvrage adressé par Voltaire, on voyait Buffon s’agiter sur son fauteuil et témoigner vivement son improbation. En vain des amis communs essayèrent pendant de longues années d’adoucir cette animosité mutuelle.

Un incident de famille y mit fin. Buffon envoyait son jeune fils faire le tour de l’Europe pour s’instruire ; le gouverneur du jeune homme eut ordre de le présenter à Ferney. Voltaire, touché de cette avance, écrivit sur-le-champ à son adversaire une lettre émue et cordiale. La paix fut faite à partir de ce jour. Voltaire désarma, et Buffon, sans effacer de son livre le passage que nous venons de citer, en atténua l’effet par une note. « Sur ce que j’ai écrit au sujet de la lettre italienne, dit-il, on a pu trouver, comme je le trouve moi-même, que je n’ai pas traité M. de Voltaire assez sérieusement. J’avoue que