Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/339

Cette page a été validée par deux contributeurs.

au jour, dans la seule intention de satisfaire à sa brutale lubricité. J’ajoutai à cela tout ce qu’on pouvait dire pour étaler ce système, que le bon sens dicte et que le cœur conseille, quand il n’est pas absorbé par les préjugés de l’enfance. — „Et que t’importe,“ ajoutai-je, „que cette créature-là soit heureuse ou infortunée, éprouves-tu quelque chose de sa situation ? Écarte ces viles liens dont je viens de te démontrer l’absurdité, et isolant alors entièrement cette créature, la séparant tout à fait de toi, tu verras que non seulement son infortune doit t’être indifférente, mais qu’il peut même devenir très voluptueux, de la redoubler, car enfin tu lui dois de la haine, cela est démontré, et tu te venges, tu fais ce que les sots appellent une mauvaise action, et tu sais l’empire que le crime eut toujours sur les sens, voici donc des motifs du plaisir dans les outrages, que je veux que tu lui fasses, et ces délices de la vengeance, et ceux qu’on goûte toujours à faire le mal.“ Soit que je misse avec Lucile plus d’éloquence, que je bien employe pour vous rendre le fait, soit que son esprit déjà libertin et très corrompu avertît sur-le-champ son cœur de la volupté de mes principes, mais elle les goûta, et je vis sa belle joue se colorer de cette flamme libertine qui ne manque jamais de paraître chaque fois qu’on brise le frein. — „Eh bien,“ me dit-elle, „que faut-il faire ?“ — „Nous en amuser,“ lui dis-je, „et en tirer de l’argent, quant au plaisir, il est sûr, si tu adoptes mes principes, quant à l’argent, il l’est de même, puisque je peux les faire servir, et ta vieille mère et ta sœur, à deux différentes parties, qui nous deviendront très lucratives.“ Lucile accepte, je la branle pour l’exciter encore mieux au crime, et nous ne nous occupons plus