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comme nous l’avons dit d’une force prodigieuse une seule main lui suffirait pour violer une fille, il l’avait prouvé plusieurs fois. Il paria un jour d’étouffer un cheval entre ses jambes et l’animal creva à l’instant qu’il l’avait indiqué. Ses excès de table l’emportaient encore s’il est possible sur ceux du lit, on ne concevait pas ce que devenait, l’immensité des vivres qu’il en gloutissait, il faisait régulièrement trois repas et les faisait tous trois et fort longs et fort amples et son service ordinaire était toujours de dix bouteilles de vin de bourgogne, il en avait bu jusque trente et pariait contre qui voudrait d’aller même à 50. Mais son ivresse, prenant la teinte de sa passion, dès que la liqueur ou le vin avaient échauffé son crâne, il devenait furieux, on17) était obligé de le lier. Et avec tout cela qui l’eut18) dit il est vrai que l’âme répond souvent bien mal aux dispositions corporelles, un enfant résolu eût effrayé ce colosse et dès que pour se défaire de son ennemi, il ne pouvait plus employer ses ruses ou sa trahison, il devenait timide et lâche et l’idée du combat le moins dangereux, mais à égalité de forces, l’eût fait fuir à l’extrémité de la terre. Il avait pourtant selon l’usage fait une campagne ou deux, mais il s’y était si bellement deshonoré qu’il avait sur le champ quitté le service, soutenant sa turpitude avec autant d’esprit que d’effronterie, il prétendait hautement que la poltronerie n’étant que le désir de sa conservation, il était parfaitement impossible à des gens sensés de la reprocher comme un défaut.

En conservant absolument les mêmes traits moroses et les adaptant à une existence physique in-