Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la docilité de ma mère et voyant combien elle fructifiait pour la communauté la récompensèrent de ses travaux, en lui accordant le loyer de chaises dans leur église, poste que ma mère n’eut pas plutôt, que par la permission de ses supérieurs elle épousa un porteur d’eau de la maison qui nous adopta sur-le-champ, ma sœur et moi, sans la plus légère répugnance. Née dans l’église, j’habitais, pour ainsi dire, bien plutôt l’église que notre maison, j’aidais ma mère à arranger les chaises, je secondais les sacristains dans leur différentes opérations — j’aurais servi la messe, s’il l’eût fallu en cas de besoin, quoique je n’eus encore atteint que ma cinquième année. [1]Un jour que je revenais de mes saintes occupations, ma sœur me demanda, si je n’avais pas encore rencontré le père Laurent. „Non,“ lui dis-je, „eh bien,“ me dit-elle, „il te guette, je le sais, il veut te faire voir ce qu’il m’a montré, ne te sauve pas, regarde le bien sans t’effrayer, il ne te touchera pas, mais il te fera voir quelque chose de bien drôle, et si tu le laisses faire, il te66) recompensera bien, nous sommes plus de quinze ici dans les environs à qui il en a fait voir autant, c’est tout son plaisir, et il nous a donné à toute quelques présents.“ Vous imaginez bien, messieurs, qu’il n’en fallut pas davantage, non seulement pour ne pas fuir le père Laurent, mais même pour le rechercher. La pudeur parle bien bas à l’âge que j’avais, et son silence au sortir des maisons de la nature n’est-il pas une preuve certaine, que ce sentiment factice tient bien moins à cette première mère qu’à l’éducation ? Je volai sur-le-champ à l’église, et comme je traversais une petite cour, qui se trouvait entre l’entrée de l’église du côté du couvent et le cou-