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seule manière dont on fera tomber cet infâme préjugé : on m’objectera, peut-être, que le courage martial s’éteindra dans les cœurs, quand il ne sera plus exercé : soit ; mais je vous avoue que le courage est une vertu de dupe dont je fais bien peu de cas ; je n’ai jamais vu que des imbécilles qui fussent braves ; le second des Césars fut un très-grand homme, sans doute, et n’était pourtant qu’un poltron : Frédéric de Prusse était rempli d’esprit et de talens… il avait un accès de fièvre toutes les fois qu’il s’agissait de se battre. Je ne finirais pas, s’il fallait vous nommer tous les hommes illustres que la crainte enchaîna ; les Romains, même, révéraient la peur, ils lui érigèrent des autels ; la peur, en un mot, est dans la nature, elle est née du soin intime de se conserver, soin qu’il est impossible de ne pas avoir, tant il est gravé dans nous par l’être moteur qui nous lança sur ce globe, c’est-à-dire, par la nature ; mésestimer un homme parce qu’il craint le danger, c’est le mésestimer de ce qu’il aime la vie : pour moi, je vous proteste de faire toujours le plus grand cas d’un homme qui craindra la mort ; de ce moment-là seul, je lui croirai de l’esprit,