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lorsque les portes étaient fermées, on y était aussi en sûreté que dans une place forte ; je trouvai la provision du défunt, consistant en biscuit, en renne salée, et en quelques bouteilles d’hidromel : tel était le triste réduit où je venais, au retour de la chasse, pleurer l’injustice des princes et la férocité de la fortune : je passai près de dix ans dans cette cruelle retraite, n’ayant d’autre société que quelque infortunés comme moi.

Un d’eux, Hongrois de nation, homme sans mœurs comme sans principes, et que l’on nommait Tergowitz, me parut le seul avec lequel mon caractère pût sympatiser ; celui-là, du moins, raisonnait le crime ; les autres le commettaient comme la bête fauve dont ils partageaient l’affreuse habitation. Tergowitz seul, au lieu d’adoucir le Dieu, cause apparente de ses malheurs, ne s’occupait qu’à l’invectiver…… qu’à le blasphêmer chaque jour ; aucun remords, quoiqu’il eut commis tous les crimes, n’approchait de son ame de fer ; et son unique regret, dans l’état où nous nous trouvions, consistait à devoir étouffer ses penchans malgré lui. Tergowitz approchait, comme moi, des six lustres :