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venu de tous les préjugés de l’enfance, je vois quelle est maintenant votre manière de penser sur ce que les sots appellent le crime ; mais si ce mode est souvent utile aux simples particuliers, combien de fois dans la vie ne devient-il pas indispensable aux souverains ou à l’homme d’état ; l’être isolé, pour assurer la base de son bonheur dans le monde, n’a tout au plus besoin que d’un crime ou deux dans le cours de son existence ; ceux qui s’opposent à ses desirs sont en si petit nombre qu’il lui faut très-peu d’armes pour les combattre ; mais nous, Borchamps, entourés perpétuellement ou de flatteurs qui n’ont d’autres desseins que de nous tromper, ou d’ennemis puissans dont l’unique but est de nous détruire, dans combien de différentes circonstances ne sommes nous pas forcés d’employer le crime ? Un souverain jaloux de ses droits devrait ne s’endormir que la verge à la main. Le célèbre Pierre crut rendre un grand service à la Russie en brisant les fers d’un peuple qui ne connaissait et ne chérissait que son esclavage ; mais Pierre plus occupé de sa réputation que du bonheur de ceux qui devaient un jour occuper son trône, ne sentit pas