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périr victime des passions cruelles du libertinage. Je ne veux pas mourir demain, sans doute, mon extravagance ne va point jusques-là ; mais je ne veux mourir que de cette manière ; devenir, en expirant, l’occasion d’un crime, est une idée qui me fait tourner la tête, et je quitte demain Stockolm, avec toi, si tu me jures de me satisfaire. Vivement ému moi-même, d’une aussi rare proposition, je proteste à Amélie qu’elle aura lieu d’être contente de moi : tout s’arrange, elle s’évade dès le même jour, et nous sortons de la ville, sans que qui que ce soit se doute de cet enlèvement.

Ma fortune était immense, en quittant Stockolm ; j’héritais de ma femme, j’emportais le million du Roi, et ma nouvelle amie me remit encore, indépendamment de tout cela, près de six cents mille francs qu’elle dérobait à son mari, et qu’elle me força d’accepter, Amélie et moi d’un commun accord, nous nous dirigeâmes vers St. Pétersbourg ; elle exigea le mariage, j’y consentis ; et nous trouvant en état de ne rien refuser à nos desirs, nous louâmes un superbe hôtel dans le plus