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rapport de convenance existant réellement entre deux choses. La justice n’a aucune existence réelle, elle est la divinité de toutes les passions ; celui-ci la trouve à une chose, celui-là à une autre ; et quoique ces choses se contrarient, tous les deux la trouveront juste. Cessons donc de croire à l’existence de cette chimère, et elle n’en a pas plus que le Dieu dont les sots la croyent l’image : il n’y a ni Dieu, ni vertu, ni justice dans le monde ; il n’y a de bon, d’utile, de nécessaire que nos passions : il n’y a de respectable que leurs effets.

Je vais plus loin, et regarde les choses injustes comme indispensables au maintien de l’univers, nécessairement troublé par un ordre équitable de choses ; cette vérité établie, d’où vient donc que je me refuserais à toutes les iniquités conçues par mon esprit, dès qu’il est démontré qu’elles sont utiles au plan général ; est-ce ma faute, si c’est de ma main qu’il plaît à la nature de se servir pour maintenir l’ordre dans ce monde ? non certes, et si ce n’est qu’avec des atrocités, des horreurs, des exécrations qu’on peut arriver à ce but, livrons-nous y donc sans aucune frayeur ; nous avons, en