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Théreſe, eſſayez, & nous ſerons tous deux contens.

— Oh ! Monſieur, répondis-je, je n’ai nulle expérience de ce dont il s’agit ; mais cet égarement que vous préconiſez, je l’ai oui dire, Monſieur, il outrage les femmes d’une manière plus ſenſible encore… Il offenſe plus griévement la Nature. La main du Ciel le venge en ce monde, & Sodome en offrit l’exemple ! — Quelle innocence, ma chère, quel enfantillage, reprit ce libertin ; qui vous inſtruiſit de la ſorte ? Encore un peu d’attention, Théreſe, & je vais rectifier vos idées.

La perte de la ſemence deſtinée à propager l’eſpece humaine, chere fille, eſt le ſeul crime qui puiſſe exiſter. Dans ce cas, ſi cette ſemence eſt miſe en nous aux ſeules fins de la propagation, je vous l’accorde, l’en détourner eſt une offenſe. Mais s’il eſt démontré qu’en plaçant cette ſemence dans nos reins, il s’en faille de beaucoup que la Nature ait eu pour but de l’employer toute à la propagation, qu’importe, en ce cas, Théreſe, qu’elle ſe perde dans un lieu où dans un autre ? L’homme qui la détourne alors ne fait pas plus de mal que la Nature qui ne l’emploie point. Or, ces pertes de la Nature qu’il ne tient qu’à nous d’imiter, n’ont-elles pas lieu dans tout plein de cas ? La poſſibilité de les faire d’abord eſt une premiere preuve qu’elles ne l’offenſent point. Il ſerait contre toutes les loix de l’équité & de la