Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 145 )


qu’on eût pu leur rendre, eût été d’égorger ſur-le-champ le premier impoſteur qui s’aviſa de leur parler d’un Dieu. Que de ſang un ſeul meurtre eût épargné dans l’Univers ! Va, va, Théreſe, la Nature toujours agiſſante, toujours active n’a nullement beſoin d’un maître pour la diriger. Et ſi ce maître exiſtait effectivement, après tous les défauts dont il a rempli ſes œuvres, mériterait-il de nous autre choſe que des mépris & des outrages ? Ah ! s’il exiſte ton Dieu, que je le hais ! Théreſe, que je l’abhorre ! Oui, ſi cette exiſtence était vraie, je l’avoue, le ſeul plaiſir d’irriter perpétuellement celui qui en ſerait revêtu, deviendrait le plus précieux dédommagement de la néceſſité où je me trouverais alors d’ajouter quelque croyance en lui… Encore une fois, Théreſe, veux-tu devenir ma complice ? Un coup ſuperbe ſe préſente, nous l’exécuterons avec du courage ; je te ſauve la vie ſi tu l’entreprends. Le Seigneur chez qui nous allons, & que tu connaîs, s’iſole dans la maiſon de campagne où il fait ſes parties ; le genre dont tu vois qu’elles ſont, l’exige ; un ſeul valet l’habite avec lui, quand il y va pour ſes plaiſirs : l’homme qui court devant cette chaiſe, toi & moi, chere fille, nous voilà trois contre deux ; quand ce libertin ſera dans le feu de ſes voluptés, je me ſaiſirai du ſabre dont il tranche la vie de ſes victimes, tu le tiendras, nous le tuerons, & mon homme pendant ce temps-là aſſommera

  Tome II.
K