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de Dieu dans le Ciel, ſi les forfaits de l’homme parviennent à l’écraſer ſur la terre. — Tu ne ſeras pas longtems ſans ſavoir, Théreſe, s’il eſt vraiment un Dieu qui puniſſe ou qui récompenſe les actions des hommes… Ah ! ſi dans le néant éternel où tu vas rentrer tout-à-l’heure, il t’était permis de penſer, combien tu regretterais les ſacrifices infructueux que ton entêtement t’a forcée de faire à des phantômes qui ne t’ont jamais payée qu’avec des malheurs… Théreſe, il en eſt encore temps, veux-tu être ma complice, je te ſauve, il eſt plus fort que moi de te voir échouer ſans ceſſe dans les routes dangereuſes de la Vertu. Quoi ! tu n’es pas encore aſſez punie de ta ſageſſe & de tes faux principes ? Quelles infortunes veux-tu donc pour te corriger ? Quels exemples te ſont néceſſaires pour te convaincre que le parti que tu prends eſt le plus mauvais de tous, & qu’ainſi que je te l’ai dit cent fois, on ne doit s’attendre qu’à des revers quand, prenant la foule à rebours, on veut être ſeule vertueuſe dans une Société tout-à-fait corrompue. Tu comptes ſur un Dieu vengeur, détrompe-toi, Théreſe, détrompe-toi, le Dieu que tu te forges n’eſt qu’une chimere dont la ſotte exiſtence ne ſe trouva jamais que dans la tête des fous ; c’eſt un phantôme inventé par la méchanceté des hommes, qui n’a pour but que de les tromper, ou de les armer les uns contre les autres. Le plus important ſervice

qu’on