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cette funeſte plaiſanterie, dont je vous ai fait la deſcription, la premiere fois que je vous parlai du caveau de Roland. Je monte ſur le trépied, le vilain homme m’attache la corde au col, il ſe place en face de moi ; Suzanne, quoique dans un état affreux, l’excite de ſes mains ; au bout d’un inſtant, il tire le tabouret ſur lequel mes pieds poſent, mais armée de la cerpe, la corde eſt auſſitôt coupée & je tombe à terre ſans nul mal. — Bien, bien, dit Roland toi, Suzanne, tout eſt dit, & je te fais grâce ſi tu t’en tires avec autant d’adreſſe.

Suzanne eſt miſe à ma place. Oh, Madame, permettez que je vous déguiſe les détails de cette affreuſe ſcène… La malheureuſe n’en revint pas.

— Sortons, Théreſe, me dit Roland ; tu ne rentreras plus dans ces lieux que ce ne ſoit ton tour. — Quand vous voudrez, Monſieur, quand vous voudrez, répondis-je ; je préfere la mort à l’affreuſe vie que vous me faites mener. Sont-ce des malheureuſes comme nous à qui la vie peut encore être chere… & Roland me renferma dans mon cachot. Mes compagnes me deman-

    leurs guerriers, cela s’appelait Huſcanaver. (Voy. les cérémonies religieuſes de tous les peuples de la terre.) Ces plaiſanteries dont tout l’inconvénient peut être au plus la mort d’une Catin, ſont des crimes capitaux à préſent ! Vive les progrès de la civiliſation ! Comme ils coopérent au bonheur de l’homme, & comme nous ſommes bien plus fortunés que nos ayeux !