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envers vos compagnes, & de la fourberie avec les hommes, avant dix ans, je vous mettrai en état de vous retirer dans un troiſieme, avec une commode ; un trumeau, une ſervante ; & l’art que vous aurez acquis chez moi, vous donnera de quoi vous procurer le reſte.

Ces recommandations faites, la Duvergier s’empare du petit paquet de Juliette elle lui demande ſi elle n’a point d’argent, & celle-ci lui ayant trop franchement avoué qu’elle avait cent écus, la chere maman les confiſque en aſſurant ſa nouvelle penſionnaire qu’elle placera ce petit fonds à la loterie pour elle, mais qu’il ne faut pas qu’une jeune fille ait d’argent. C’eſt, lui dit-elle, un moyen de faire le mal, & dans un ſiécle aussi corrompu, une fille ſage & bien née doit éviter avec ſoin tout ce qui peut l’entraîner dans quelques piéges. C’eſt pour votre bien que je vous parle, ma petite, ajouta la Duegne, & vous devez me ſavoir gré de ce que je fais.

Ce ſermon fini, la nouvelle venue eſt préſentée à ſes compagnes on lui indique ſa chambre dans la maiſon, & dès le lendemain ſes prémices ſont en vente.

En quatre mois la marchandiſe eſt ſucceſſivement ; vendue à près de cent perſonnes ; les uns ſe contentent de la roſe, d’autres plus délicats ou plus dépravés (car la queſtion n’eſt pas réſolue) veulent épanouir le bouton qui fleurit à côté. Chaque