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uſage à la Chine. Chaque jour on trouve & dans les rues & ſur les canaux de Pekin, plus de dix mille individus immolés ou abandonnés par leurs parens, & quel que ſoit l’âge d’un enfant dans ce ſage empire, un pere, pour s’en débarraſſer, n’a beſoin que de le mettre entre les mains du juge. D’après les loix des Parthes on tuait ſon fils, ſa fille ou ſon frere, même dans l’âge nubile ; Céſar trouva cette coutume générale dans les Gaules ; pluſieurs paſſages du Pentateuque prouvent qu’il était permis de tuer ſes enfans chez le peuple de Dieu ; & Dieu lui-même enfin, l’exigea d’Abraham. L’on crut long-temps, dit un célebre moderne, que la proſpérité des empires dépendait de l’eſclavage des enfans ; cette opinion avoit pour baſe les principes de la plus ſaine raiſon. Eh quoi ! un monarque ſe croira autoriſé à ſacrifier vingt ou trente mille de ſes ſujets dans un ſeul jour pour ſa propre cauſe, & un pere ne pourra, lorſqu’il le jugera convenable, devenir maître de la vie de ſes enfans ! Quelle abſurdité ! Quelle inconſéquence & quelle faibleſſe dans ceux qui ſont contenus par de telles chaînes ! L’autorité du pere ſur ſes enfans, la ſeule réelle, la ſeule qui ait ſervi de baſe à toutes les autres, nous eſt dictée par la voix de la Nature même, & l’étude réfléchie de ſes opérations nous en offre à tout inſtant des exemples. Le Czar Pierre ne doutait nullement de ce droit ;