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ſonne ; en lui donnant le goût des vertus, je lui inſpirais celui de la Religion, je lui en dévoilais les ſaints dogmes & les ſublimes myſtères, je liais tellement ces deux ſentimens dans ſon jeune cœur que je les rendais indiſpenſables au bonheur de ſa vie.

Ô Mademoiſelle, lui diſais-je un jour en recueillant les larmes de ſa componction, l’homme peut-il s’aveugler au point de croire, qu’il ne ſoit pas deſtiné à une meilleure fin ? Ne ſuffit-il pas qu’il ait été doué du pouvoir & de la faculté de connaître ſon Dieu, pour s’aſſurer que cette faveur ne lui a été accordée que pour remplir les devoirs qu’elle impoſe ? Or, quelle peut être la baſe du culte dû à l’Éternel, ſi ce n’eſt la vertu dont lui-même eſt l’exemple ? Le Créateur de tant de merveilles peut-il avoir d’autres loix que le bien ? Et nos cœurs peuvent-ils lui plaire ſi le bien n’en eſt l’élément ? Il me ſemble qu’avec les ames ſenſibles, il ne faudrait employer d’autres motifs d’amour envers cet Être ſuprême que ceux qu’inſpire la reconnaiſſance. N’eſt-ce pas une faveur que de nous avoir fait jouir des beautés de cet Univers, & ne lui devons-nous pas quelque gratitude pour un tel bienfait ? Mais une raiſon plus forte encore, établit, conſtate la chaîne univerſelle de nos devoirs ; pourquoi refuſerions-nous de remplir ceux qu’exige ſa loi, puiſque ce ſont les mêmes que ceux qui conſolident notre bonheur avec les hommes ? N’eſt-il pas doux