Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 154 )


ſerait quelquefois une raiſon pour en diminuer l’attrait,) mais c’eſt que les loix ne le puniront plus, & qu’elles diminuent, par la crainte qu’elles inſpirent, le plaiſir qu’a placé la Nature au crime. Je ſuppoſe une ſociété où il ſera convenu que l’inceſte (admettons ce délit comme tout autre) que l’inceſte, dis-je, ſoit un crime, ceux qui s’y livreront ſeront malheureux, parceque l’opinion, les loix, le culte, tout viendra glacer leurs plaiſirs ; ceux qui déſireront de commettre ce mal, & qui ne l’oſeront, d’après ces freins, ſeront également malheureux ; ainſi la loi qui proſcrira l’inceſte, n’aura fait que des infortunés. Que dans la ſociété voiſine, l’inceſte ne ſoit point un crime, ceux qui ne le déſireront pas ne ſeront point malheureux, & ceux qui le déſireront ſeront heureux. Donc la ſociété qui aura permis cette action conviendra mieux aux hommes, que celle qui aura érigé cette même action en crime ; il en eſt de même de toutes les autres actions mal-adroitement conſidérées comme criminelles ; en les obſervant ſous ce point de vue, vous faites une foule de malheureux ; en les permettant, perſonne ne ſe plaint ; car celui qui aime cette action quelconque s’y livre en paix, & celui qui ne s’en ſoucie pas, ou reſte dans une ſorte d’indifférence qui n’eſt nullement douloureuſe, ou ſe dédommage de la léſion qu’il a pu recevoir, par une foule d’autres léſions dont il grève à ſon tour ceux