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Sous le prétexte d’une partie de promenade, il s’éloigne du château ; il attend le courrier dans un lieu où il devait inévitablement paſſer. Cet homme bien plus à lui qu’à ſa tante, ne fait aucune difficulté de lui remettre ſes dépêches, & Bressac convaincu de ce qu’il appele ſans doute ma trahiſon, donne cent louis au courrier avec ordre de ne jamais reparaître chez ſa tante. Il revient au château, la rage dans le cœur ; il ſe contient pourtant ; il me rencontre, il me cajole à ſon ordinaire, il me demande ſi ce ſera pour le lendemain, me fait obſerver qu’il eſt eſſentiel que cela ſoit avant que le Duc n’arrive, puis ſe couche d’un air tranquille & ſans rien témoigner. Je ne ſçus rien alors, je fus la dupe de tout. Si cet épouvantable crime ſe conſomma, comme le Comte me l’apprit enſuite, il le commit lui-même ſans doute, mais j’ignore comment ; je fis beaucoup de conjectures ; à quoi ſervirait-il de vous en faire part ? Venons plutôt à la maniere cruelle dont je fus punie de n’avoir pas voulu m’en charger. Le lendemain de l’arreſtation du courrier, Madame prit ſon chocolat comme à l’ordinaire, elle ſe leva, fit ſa toilette, me parut agitée, & ſe mit à table ; à peine en eſt-on dehors que le Comte m’aborde, — Théreſe, me dit-il avec le flegme le plus grand, j’ai trouvé un moyen plus ſûr que celui que je t’avais propoſé, pour venir à bout de nos projets, mais cela demande des détails, je n’oſe aller

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