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ISABELLE DE BAVIÈRE


à la splendeur d’un état, et qu’on peut appeler son âme, puisqu’elle en soutient tous les membres ?

Charles VI est enfin couronné le 3 novembre 1380, avec toute la magnificence possible dans un siècle où celui qui tient les rênes s’occupe bien plutôt de ses propres intérêts que de la gloire de son pupille. Mais le feu de la sédition commençant à s’allumer, on n’ose traverser la ville au retour de la cérémonie ; le peuple s’apercevant qu’on le craint, ne s’en irrite que davantage ; ayant un savetier pour chef et pour orateur, il se porte en foule au palais, et demande à grands cris l’abolition des impôts. Le chancelier et le duc de Bourgogne calment les esprits pour vingt-quatre heures, au bout desquelles ils se renflamment avec plus d’énergie. Le roi cède, les impôts s’abolissent ; mais l’insolence s’accroît où la force faiblit ; on demande l’expulsion des juifs, la ruine des financiers, et leurs maisons se pillent en attendant. De ce moment l’état est prêt à se dissoudre ; une nouvelle tenue d’États généraux se convoque, et de nouveaux troubles en deviennent la suite. Le peuple se rassemble la nuit ; l’ombre favorise le crime ; il s’en commettrait bien moins, si le flambeau du jour ne s’éteignait jamais.

Mais comme ceux qui composent ces assemblées ne se disent les ennemis des abus qu’autant que ces abus ne les servent point, rien ne s’améliore et tout s’envenime. Le duc de Bretagne profite de ces troubles pour appeler les Anglais, et quand ils paraissent, il ne sait plus