ments qui puissent égaler mes crimes ? Je les subirai
sans me plaindre, je les invoque avec ardeur. »
Passant de là dans l’appartement de son époux
et se précipitant près du lit où ce bon prince avait
cessé de vivre : « Ô toi ! s’écriait-elle, dont mes
forfaits ont creusé la tombe, jette du haut des
cieux un œil de pitié sur celle que tu aimas et qui
reconnut si mal ce bonheur. Vois l’état où je suis,
en évoquant tes mânes ; mes crimes sont si grands,
que j’ose à peine élever mes bras vers toi. Ô le
meilleur des hommes, daigne obtenir pour ton Isabelle,
non le pardon de fautes impardonnables, non
l’oubli des crimes monstrueux dont le souvenir
doit rester sur la terre pour effrayer et corriger
les hommes, mais la pitié, oui, la pitié que mes
remords osent demander au Dieu que j’offensai
sans cesse. Je ne demande point qu’il éloigne de
moi les tourments que j’ai mérités ; je n’implore de
lui que la faveur de n’être pas rejetée, lorsqu’au
sein des supplices où sa main va me plonger, j’oserai
le bénir encore !… Eh ! devions-nous donc, cher
époux, être élevés au-dessus des hommes, toi, pour
les surpasser par tes malheurs, moi, pour les affliger
par mes crimes. Puissions-nous tous les deux
servir d’exemples aux rois qui nous succéderont
sur ce trône inondé de nos larmes, toi, du danger
où l’aveuglement et l’excès de la confiance peuvent
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ISABELLE DE BAVIÈRE