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ISABELLE DE BAVIÈRE


de vivres, réuni à cette première adversité, métamorphosa bientôt cette ville en un horrible désert ; les bêtes féroces, en s’y réfugiant, vinrent arracher au misérable le peu de vivres qu’il se procurait avec des peines infinies. Les rues étaient jonchées d’infortunés à demi-nus, cherchant dans les ordures ou parmi les animaux les plus vils de tristes aliments au besoin qui les consumait.

On fut obligé de fermer les boutiques, parce que le pauvre dérobait en passant ce qui pouvait le garantir du froid ou de la faim.

La mère voyant son lait glacé dans un sein flétri et ne pouvant substanter le fruit de son hymen, le déposait au coin des rues, où des êtres que la disette transformait en tigres le saisissaient pour le dévorer.

Nul secours n’entrait dans la capitale ; aucun de ceux qui pouvaient en donner n’imagina d’en offrir. Henri ne vit rien, ne secourut personne ; Isabelle ne retrancha rien à son luxe. Pendant que la misère assiégeait l’hôtel de son époux, pendant que ce malheureux prince, n’ayant qui que ce fût autour de sa personne se trouvait réduit, pour sa subsistance, presque au seul pain béni que lui envoyait sa paroisse, on voyait sa criminelle épouse tenir le plus grand état chez elle, et mise comme pour une fête, se promener