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par sa chute. On la releva, le peuple s’amassa autour d’elle, les cris, les menaces éclatèrent, et le marquis de Sade, encore ivre, s’enfuit poursuivi par des paysans indignés. Rose Keller porta plainte, et le marquis, dont l’aventure occupait les salons, fut enfermé dans le château de Saumur, puis dans la prison de Pierre-Encise, à Lyon. Mais, au bout de six semaines, la famille du marquis obtint des lettres d’abolition portant, dit-on, que le délire du 3 avril était d’un genre non prévu par les lois, et que l’ensemble en présentait un tableau si obscène et si honteux, qu’il fallait en éteindre jusqu’au souvenir. Quoi qu’il en soit de ces lettres, dont il faudrait vérifier la teneur, l’accusation était mise à néant par le désistement de la plaignante qui, moyennant une somme de cent louis, donna quittance de sa fessée. Avec ces cent louis pour dot, elle trouva mari l’année suivante. D’ailleurs, c’était une prostituée ; mais l’acte commis sur elle par Sade n’en était pas moins une monstruosité.

Un sentiment unique et violent, une sorte de désespoir amoureux précipitait ainsi le marquis, s’il faut l’en croire, dans l’enfer de la débauche,