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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


dont naguère je ne voulais exiger que des respects ; mais je n’attends plus que la mort ; je la mérite, écoutez-moi. Une autre passion que celle qui me prend aujourd’hui motiva mon premier crime : vous savez la fin désastreuse de Mme de Kaunitz. Ses refus me piquèrent ; ils irritèrent mon amour-propre : je la fis empoisonner. Mon courroux s’étendit jusque sur son fils, et voulant compromettre la princesse qui captivait déjà mon cœur, et susciter contre elle à la fois et la jalousie de son amant et celle de son époux, je fis tomber sur le sein du jeune Kaunitz le poignard dont Frédéric voulait percer l’amant d’Adélaïde. J’excitai donc de plus en plus la jalousie du prince de Saxe, imaginant avec raison que ce moyen ferait tourner en ma faveur la catastrophe que je désirais. En préparant d’avance le duel, bien sûr que Thuringe en sortirait vainqueur, j’immolai d’abord l’un de mes concurrents ; il me devenait facile après de me défaire de l’autre : toutes mes manœuvres n’ont jamais eu d’autre intention. La clôture de la princesse à Torgau ne remplissait pas assez les desseins de celui qui ne voulait que couvrir cette femme de torts pour la perdre aux yeux de son époux. Par une multitude de pièges dans lesquels je sus toujours l’entraîner, je la rendis malheureuse en lui donnant sans cesse la