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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


et pour avoir conçu le criminel désir de le pouvoir et pour avoir perdu par vos mains l’unique arbitre de mon sort. Montez sur un trône qui n’appartient qu’à vous, monsieur ; et si, du haut de ce trône que vous occuperez seul, votre âme encore revolait vers la mienne, et qu’elle retrouvât dans cette âme qui vous appartint quelques traces d’un feu mal éteint, n’achevez pas de la déchirer en lui reprochant le sacrifice qu’elle s’impose et qu’elle préfère à toutes les trompeuses illusions d’un amour trop coupable… Régnez, monsieur… je vais pleurer ; nous aurons tous deux rempli nos devoirs, et le bonheur d’être content de soi-même l’emporte sur toutes les puissances de la vie.

La princesse, en finissant ces mots, rentra dans son appartement. Thuringe veut la retenir en se précipitant à ses pieds… : vainement…, elle fuit.

L’assemblée des États est convoquée le lendemain par elle. Elle s’y rend couverte des ornements royaux dont elle doit se parer pour la dernière fois de sa vie, et là, du ton le plus auguste et le plus solennel, elle dit :

— Magnanime et respectable nation, un grand événement vient de se tracer dans vos annales. Vous regrettez comme moi la perte d’un souverain que vous aimiez comme un père et que je révérais