Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
349
ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


le calme et la tranquillité n’existent que loin des hommes et du tourbillon empoisonné de leurs dangereuses passions. Ce n’est que dans la retraite que l’homme peut jouir de son âme et l’épurer au point d’être à la fin digne de son auteur. Il est étranger à toutes les passions douces, celui qui n’a pas connu les attraits de la solitude ; mais il faut être pur pour en savourer les charmes : il ne doit rien avoir à redouter en lui, celui qui ne consent à vivre qu’avec lui-même. De ce moment, il peut être heureux, puisqu’il abandonne pour jamais tous les faux plaisirs de ce monde.

Adélaïde, égarée, se jeta au pied du tombeau de la princesse de Saxe : elle ne prononçait pas une seule parole, mais une sorte de délire, en suspendant la circulation de son sang, déjà l’associait aux incompréhensibles décrets de l’éternité.

— Croyez-vous, mon Père, s’écria-t-elle enfin, que je puisse un jour être placée dans le cercueil de cette princesse ?

Urbain la considérant avec attention :

— Oui, madame, lui répondit-il d’un ton solennel, car vous êtes aussi la princesse de Saxe et vous avez des droits à partager la tombe de celle qui vous précéda d’un siècle.

— Passons quelques instants dans votre cellule,