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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

Après des détours, des corridors et des escaliers infinis, elles entrèrent dans une grande salle, à la voûte de laquelle pendaient trois corps.

Deux sénateurs étaient assis dans cette salle. L’un d’eux ordonne à la princesse d’examiner soigneusement la figure de ces corps et de dire si elle reconnaissait ces coupables pour être intimement liés avec le jeune Contarino. Adélaïde, malgré sa répugnance, considéra ces têtes qui n’étaient pas assez défigurées pour que leurs traits eussent perdu leur caractère. L’examen fait, elle répondit qu’elle n’avait jamais vu ces gens-là.

— Votre place était auprès d’eux, dit un des sénateurs. Fantons, faites votre devoir…

Alors Adélaïde et sa compagne furent conduites dans une des prisons du palais située sous les plombs, où elles devaient être soigneusement renfermées.

On connaît à Venise ces cachots affreux dans lesquels les détenus reçoivent toute l’ardeur du soleil pendant l’été et tout le froid, toute l’humidité des glaces et des neiges pendant l’hiver, incommodités si terribles qu’il est rare d’y vivre plus d’un an : aucun meuble d’ailleurs, mais la plus délicate nourriture.

— Remerciez Dieu, leur dit le geôlier en les enfermant, oui, remerciez-le de ce qu’au lieu de