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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


atroce ; voilà un écrit de sa main qui prouve le contraire de ce qu’elle dit.

Adélaïde jette les yeux sur le papier et reconnaît le papier qu’elle a signé la veille. Ses regards se baissent et le plus profond silence est sa seule réponse.

— Votre Excellence, reprit le sbire, n’a pas connu le danger qu’elle courait en consentant à une aussi criminelle association ?

— Je l’ai connu.

— Il ne s’agit donc plus que de vous le prouver, dit le même homme en tirant de sous son manteau la tête sanglante du malheureux Antoine. Vous voyez, madame, ce qu’on risque, à Venise, à se mêler de conspiration : tous vos complices viennent de subir le même sort ; suivez-nous.

— Est-ce au supplice que je marche ?

— C’est à la punition de votre crime.

Ici, la malheureuse Adélaïde ne douta plus que sa dernière heure ne fût arrivée. Mais s’armant du même courage que nous lui avons reconnu dans le cours de ses aventures, elle se borna à demander la permission d’emmener Bathilde avec elle, et, les fantons ayant consenti, trois nouveaux gardes s’emparent de ces deux femmes, se jettent avec elles dans une gondole qui les transporte au palais du doge dont elles voient la tête attachée sur la porte.