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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


parcourent, se trouva, sans s’en apercevoir, dans un terrain plein d’inégalités, dont il ne reconnut l’usage qu’en y portant les mains. Des tombes arrêtent ses pas, et c’est dans le cimetière de la ville que l’a conduit sa promenade.

— Hélas ! s’écrie-t-il, voilà où je dois rester ; la nature en me l’indiquant, ne semble-t-elle pas me l’ordonner ? Eh ! qu’ai-je à désirer dans le monde, après avoir perdu le cœur et la personne de celle que j’adore ? Est-ce bien la peine de sortir d’ici pour aller m’exposer à de nouveaux malheurs ? Adélaïde, Adélaïde, il faut que je meure ici puisque je ne dois plus te revoir ou ne te retrouver qu’infidèle ! Ah ! mes soupçons ne me trompaient donc pas quand je les portais sur Kaunitz ; mais fallait-il pour cela que je fisse assassiner celui qu’elle me préférait ? Le sang de ce malheureux jeune homme retombe sur ma tête, et je vois son ombre me poursuivre dans cette sinistre habitation des morts.

Tout à coup, un éclair sillonne les nues, la foudre gronde sur le haut des montagnes, et ses éclairs retentissent dans les vallons ; les nuages, qui se heurtent en tous sens, rendent l’obscurité plus affreuse encore. Cependant les éclairs qui les précèdent se multiplient. Ils ne font bientôt plus qu’un océan de feu de toutes les parties de la