s’en faut bien que nous naissions avec elles ; elles
sont d’autant plus étrangères à notre nature
que nous ne sentons pas leurs atteintes à toutes
les époques de notre vie : l’enfance les ignore
et la vieillesse ne les éprouve plus.
— S’il en est ainsi, pourquoi, avec les secours d’une bonne éducation, ne pas les guetter pour les détruire dès qu’elles paraissent ? pourquoi ne pas se mettre tout de suite dans l’état où nous serons quarante ans après notre naissance, et ne pas obtenir dès lors une tranquillité qui les remplacera tôt ou tard ?
— Cela serait tout au plus possible si l’éducation pouvait faire connaître les passions ; mais malheureusement nous ne les connaissons bien que lorsque exerçant leurs ravages sur nous, elles affectent des dehors trompeurs et séduisants.
— Il me semble cependant, madame, que vous avez avancé que l’homme pouvait par la réflexion se rendre maître de lui-même.
— Il est vrai, mais les exemples de force sont rares, et je n’ai posé ici que le principe d’une perfection presque chimérique par le fait ; et, à le bien prendre, s’il fallait analyser le motif de beaucoup d’actions vertueuses, on acquerrait souvent la triste certitude qu’elles n’ont pour base que l’égoïsme.