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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


il fallait suivre, malgré soi, le chemin qui se présentait et dans lequel ce qu’on entendait n’était pas d’un fort heureux présage.

Elles n’eurent pas fait deux cents pas, que des gémissements frappèrent leurs oreilles ; ils partaient des réduits pratiqués dans l’épaisseur des murs au milieu desquels était ce corridor. À mesure qu’elles avançaient les gémissements se faisaient mieux entendre.

— Oh ! Ciel, où sommes-nous ? se dirent-elles. C’est ici le séjour de la mort, et les victimes qu’on lui sacrifie entourent ses autels… Quel espoir de sauver nos jours ?

Adélaïde s’arrêtant près de la muraille d’où semblaient s’exhaler ces lamentables cris, voulut questionner les malheureux qui les jetaient ; mais elle ne put se faire entendre ; il fallut poursuivre. Au bout d’un quart d’heure de marche, un léger crépuscule se laisse apercevoir et porte à l’instant dans l’âme de ces infortunées un rayon d’espérance mêlé de terreur. Elles précipitent leurs pas ; elles entrevoient, à la fin, une grille de fer. Au bruit qu’elles font pour l’ébranler un homme accourt, qui la leur ouvre et la referme aussitôt sur elles. Mais quel est cet homme ? À quel point leur effroi redouble en le reconnaissant ! C’est Stolbach… c’est ce monstre qui ne les a délivrées à prix d’or