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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


vous de vous faire observer que vous avez été bien vite dans cet acte de sévérité ? Il outrage la vertu de votre femme ; de telles offenses se réparent bien difficilement… et ce malheureux Kaunitz dont vous avez tranché les jours !

— Mon ami, s’écria le prince, il y a quelque chose de singulier dans tout cela, quelque chose que je n’ai découvert que depuis peu. Kaunitz, disait-on, était convenu en mourant de son amour pour Adélaïde. Il est constant que cet aveu n’existe pas : l’infortuné n’a dit qu’un mot à son dernier soupir : « Un ennemi mortel me poursuit, et je suis sa victime comme le fut ma mère… » Voilà tout ce qu’il a prononcé. Quel est cet ennemi, le savez-vous, Thuringe ?

— Je l’ignore. Monseigneur. Il me semble seulement que cet aveu suffit à la justification de votre femme.

— Je le crois comme vous.

— Combien dans ce moment vos remords doivent être affreux !

— Oui, mon ami, dit Frédéric en se précipitant sur un fauteuil, ils sont terribles… Que ne voudrais-je pas faire pour rendre ce malheureux à la vie !

— Ne formons pas des vœux inutiles, répondit M. de Thuringe, et ne pensons qu’à réparer la