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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


c’était lui seul que le Ciel avait fait naître pour le bonheur de ma vie, et c’est lui que le Ciel injuste en écarte. Dès la première fois que Thuringe parut à la cour de mon père, l’impression qu’il produisit sur moi fut telle qu’elle ne s’effacera jamais de mon cœur. Louis a tout ce qu’il faut pour moi : cette noble fierté qui règne sur son front, cette élévation d’âme, ce caractère loyal et chevaleresque qui lui ferait affronter mille périls plus grands les uns que les autres, s’il le fallait pour plaire à ce qu’il aime ; les talents militaires qu’il développa lors de nos derniers troubles ; l’ambition qui brille dans ses yeux ; cette manière pleine de grâce avec laquelle il sait réunir toute la sévérité du guerrier à l’amabilité de l’homme de cour… Que vous dirais-je enfin ? Cette figure céleste où Mars imprime la majesté de ses traits avec les flèches de l’amour… Voilà ce qui me ravit dans le marquis de Thuringe ; voilà ce qui en fait l’idole de mon cœur… d’un cœur où il régnera despotiquement, quelque brisé qu’il le trouve par les entraves du devoir… Savez-vous s’il m’aime, mon cher comte ?

— J’oserais vous le certifier, madame, quoique je n’aie reçu nul aveu sur ce point. Ses yeux s’animent d’une flamme si ardente et si tendre chaque fois qu’il les fixe sur les vôtres, qu’il est