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MARQUIS DE SADE — 1775
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Le marquis pense que les difficultés qu’on lui suscite de toute part sont l’ouvrage de ses proches et ne peut encore quitter la Coste. (Sans date).

……Madame de S. arriva d’Aix hier bien mouillée. Il faudrait six pages pour vous tout dire et je remets cela à notre première conversation. En deux mots : bien des services de la part du prévôt de Marseille, beaucoup de bonne volonté de la part des juges d’Aix (sous le secret au moins), beaucoup de lenteur et d’entortillage de la part de la présidente, et des excès de méchancetés et d’horreurs de la part de tous les autres Sade d’Avignon, refus de passeport pour voyager de la part du vice-légat qui prétend au contraire avoir des ordres pour m’arrêter. D’où cela peut-il partir si ce n’est de mes chers et affectionnés parents ? Mais ces coups-là ne sont pas à craindre ; ils m’effraient peu. L’abbé de Saumane n’a pourtant pas paru à Aix ; c’est à Aiguières qu’ils ont été voir les Sade d’Aiguières. Qu’ont-ils été faire là ? Cela n’aurait-il pas l’air d’une conspiration générale de tout ce qui porte le nom. Au reste, c’est au diable à découvrir tout cela, car cela a bien l’air d’être son ouvrage.

Le procureur du roi de Lyon servit à merveille. C’est de lui que sont les mémoires envoyés à Aix contre moi, qui pourtant n’ont rien produit. Le prévôt a tout calmé et la bonne volonté est la même.

Vos dames d’Apt sont charmantes (j’ai toujours eu lieu de me louer de leur politesse et de leurs bons propos) ; elles ont publié à Avignon que j’étais depuis le matin jusqu’au soir a courir toutes les villes des environs et que j’effrayais tout le monde. Je passe pour le loup-garou ici. Les pauvres petites poulettes avec leurs mots d’effroi ! Mais pourquoi s’en plaindre ? C’est l’usage, on aime à prononcer le sentiment qu’on inspire. Adieu mon cher avocat, je vous quitte car j’ai de l’humeur…… Voilà mon voyage reculé. Je vous embrasse.


Madame de Sade accuse Nanon de lui avoir dérobé des couverts d’argent et veut qu’on s’assure d’elle sous ce prétexte.

Nanon vous en a imposé, monsieur, dans tout ce qu’elle vous a dit. Premièrement, il s’en faut qu’il lui soit dû la somme qu’elle répète. Secondement, elle n’a point du tout demandé son congé et, troisièmement, elle n’a point été battue. La vérité du fait est que cette fille vint me dire hier un million d’impertinences, que je l’envoyai promener et que, sur cela, elle décampa comme une folle en continuant de dire mille mauvaises raisons. Il est certain qu’à l’instant de son départ, sur les vérifications promptes, et devant témoins, qui ont été faites de l’argenterie, il s’est trouvé trois couverts d’argent de moins. N’est-il pas vraisemblable qu’elle est coupable et ne s’est-elle pas mise dans le cas d’être soupçonnée ? Maintenant je vais vous expliquer ce qui m’a fait rendre ma plainte si vite et profiter de cette occasion