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MARQUIS DE SADE — 1775
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L’abbé de Sade ne veut ni faire des démarches ridicules ni garder plus longtemps la petite qu’on a placée chez lui. « À Saumane, ce 28 mars 1775 ».

……Je viens à madame de M… Vous avez été plus heureux que moi, monsieur. Je n’ai point reçu de réponse à la lettre que je lui ai écrite il y a plus d’un mois, au nom de la famille, pour lui demander trois choses nécessaires et urgentes. C’est aussi nous traiter trop mal et j’en suis ulcéré à un point que je ne puis vous exprimer. Tous mes parents pensent de même. Jugez comme je suis disposé à exécuter les volontés de cette dame et à faire le voyage ridicule qu’elle me propose. Non, monsieur, je n’irai point à Aix pour faire une demande absurde à monsieur le procureur général. Je ne ferai ce voyage que quand on aura obtenu un arrêt du conseil qui, en évoquant l’affaire, en renvoie la décision au parlement d’Aix. C’est l’avis de ma famille et je m’y conformerai, bien fâché que cela ne cadre pas avec les idées de cette dame qui nous regarde comme des automates faits pour se mouvoir suivant ses volontés et qui déclame sans cesse contre moi en me supposant des torts imaginaires, comme je vous l’ai démontré. Je ne l’importunerai plus par mes lettres puisqu’elle ne daigne pas me faire réponse dans les occasions les plus essentielles.

Je vous prie très instamment de faire tout ce que vous pourrez pour me débarrasser de cette petite fille que je garde chez moi par un excès de complaisance pour des gens qui n’en méritent aucune de ma part et avec qui je ne veux avoir aucun commerce. Quand j’aurai le plaisir de vous voir, je vous dirai bien des choses que je ne puis pas confier au papier. Je suis charmé que madame de Montreuil ait confiance en vous. C’est tout ce qu’elle peut faire de mieux……


Le marquis n’a pas de secrets pour l’avocat et n’est occupé que de ses lectures. (Sans date).

En vérité, cher avocat, vous avez bien perdu votre temps d’écrire deux pages pour une lettre ouverte ; s’il y a quelque chose de simple au monde, c’est de décacheter une lettre à son adresse. Mettez-vous bien, une bonne fois pour toutes, dans la tête que, sur quelque chose que ce soit, vous n’aurez jamais besoin de justification avec moi. Ma confiance est trop entière pour cela et je ne ferais pas adresser mes lettres les plus secrètes purement et simplement à votre adresse comme je le fais, si cette confiance n’était bien établie ; ouvrez-les donc tant qu’il vous plaira à l’avenir ou par mégarde ou sans mégarde ; répondez-y de même, si vous voulez ; vous me ferez grand plaisir, car c’est de tous mes supplices le plus grand que celui d’écrire une lettre.

Je vous envoie décachetée celle qu’il m’a pris fantaisie d’écrire à La Combe, libraire du Mercure ; lisez-la, marquez-moi ce que vous en pensez,